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Si peu nous lie

25 December 2024

Si peu nous lie
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Buon Fresco, Tacita Dean, 2014 ; Crédit image : Mackbooks.eu

Poéme par Gerard Haller (Publication originale dans le quotidien numérique AOC (Analyse Opinion Critique), le 3 novembre 2024 à https://aoc.media/fiction/2024/11/02/si-peu-nous-lie/).

Ô toi main qui étrangles,Ta mère était-elle morte,Ta femme, ton enfant,Que tu n’aies plus que la mort dans ta main ?

Nelly Sachs, « Main », Éclipse d’étoile

 


Et si nus si cruellement ainsi nous ex/

pose au retour de notre propre in/

humanité d’origine ça va vite ça re/

vient de si loin tout semble rêver a/

vec tout le même rêve étendu bord

à bord dans la même aurore aux doigts

de rose et soudain c’est là de nouveau l’ir/

regardable horreur primitive le sang rouge

et noir des mères vides coupées en deux dé/

portées d’elles/

mêmes au commencement et le sang élu des ex/

ilés du dieu non-né non/

mort ici sans fin de nouveau rêvé sans fin exécré ré/

pandu sous les yeux de la terre entière œil

pour œil de nouveau depuis l’aube du 7

octobre 2023 et dent main pied brûlure

blessure et plaie pour plaie oui et chaque

plaie me regarde depuis l’autre

bord de toi me rapporte à la chose sans

face de ma propre mort d’avant et à venir

sans ô

sans toi

[qui d’autre]

et c’est comme si le mot dieu lui/

même maintenant devant moi se vidait

et les mots mère main humain

comme s’ils ne pouvaient plus rien

pour nous que porter sa dépouille

et la pleurer

o – a – o – a etc.

hurlante mère d’avant

tout nom toute face et

finir ainsi de la démembrer

o hand – ô toi main

qui tires cette femme par les cheveux là-bas

et coupes le sein et le jettes par terre et

main qui la pénètres et tires dans sa tête

après et main qui dé/

figures cette autre lui déchires la peau avec

un couteau et main qui enfonces un ciseau

dans le vagin de cette autre encore comme toi née

de la même mêlée de sangs et souffles même m a

t i è r é t o i l é e t o m b é e du ciel

sur la terre ici dite promise et main qui tues

un à un et ensemble père mère avec en/

fants toute la famille [vie

pour vie dit le livre] et main qui violes

avant et après mort et multiplies

ainsi la tuerie

ô toi main sans main pour te tenir

ni voix ni visage

ton dieu est-il mort avec ta mère

que tu n’aies plus que la mort à donner ?


o – a – o – a nous répétions avec nelly s.

depuis la première fin du monde

humain dite shoah

pour conjurer le retour du né/

ant dans nos mains nos mots

sales épuisés mais c’est là

de nouveau le k  h  a  o  s

primordial

=

la mort à l’œuvre déjà la vie

divisée de la vie et l’illimité

désir d’éternité


détails des fresques de Giotto dans la basilique supérieure d'Assise filmé par Tacita Dean à l'aide d'un objectif macro, en l’ouvre Buon Fresco, 2014 ; Crédit image : Mackbooks.eu
détails des fresques de Giotto dans la basilique supérieure d'Aussie filmé par Tacita Dean à l'aide d'un objectif macro, en l'ouvre Buon Fresco, 2014 ; Crédit image : Macbooks.eu

ô main

de qui ou quoi quel double de toi mort

au commencement déjà qui porte

les morts et la dépouille du dieu non/

né mêmement exsangues et re/

vient avec eux a/

néantir et main de toi qui tries

ceux à sauver / ceux à effacer

du ciel et de la terre

=

corps après corps ici de l’autre côté

des images l’ineffaçable devenir/

cadavre devant nous du dieu rêvé

=

mêmes corps – mêmement miraculeux nou/

ages éphé/

mères chaque fois uniques d’eaux & a/

tomes âmes & sangs souffles sexes et

tout ça gisant par terre des deux côtés

de la tuerie maintenant [peuple

élu contre peuple élu] là-bas dans nous

ceux ex/

humés de leurs sépultures et ceux en/

sevelis sous les décombres

ceux nus dans leur lit de sang

irressemblants déjà

et ceux qui continuent

d’agoniser

ceux convulsant

ceux brûlés

ceux violés

ceux violés puis re-

tués les yeux dans les yeux et ceux mas/

sacrés de loin dis/

loqués os bras mains larmes & autres lambeaux

de visages et restes humains s’enfonçant pêle-

mêle dans nos propres yeux et les trous à ciel

ouvert creusés par les bombardements


o – a – o – a – inavouable m a t i è r e/

m è r e commune dans nous hurlant

à la vie la mort


si peu nous lie


détails des fresques de Giotto dans la basilique supérieure d'Assise filmé par Tacita Dean à l'aide d'un objectif macro, en l’ouvre Buon Fresco, 2014 ; Crédit image : Mackbooks.eu

ô toi ô restes

de qui quel père mère enfant amie a/

mant chaque fois mêmement adoré

mêmement arraché à toi et c’est

comme si chaque tué remourait

dans nous comme s’il emportait

avec lui toute l’humanité qu’il y a

…………………………………………

ce peu à la place de dieu ce comme

rien qui nous fait du même don seuls

et peuple –

comme si chaque meurtre tuait ensemble

celui-là qui meurt et l’intime semblance

commune chaque fois qui seule me lie à

lui m’inter/

dit de tuer


pas de loi


non


ni loi ni dire


non. Ce peu ce pur entre/

deux vide lui/

même intuable –

ce vide entre les corps ce simple es/

pacement continu qui dépose tout

dieu tout pouvoir de vie de mort ô

nous a/

bandonne à n o u s seuls maintenant

avec nous sur la terre

o – a – o – a – imprononçable nom de per/

sonne au commencement simple écho/

lalie déjà des voix maternelles dedans

nous doubles déjà et nous dédoublant

d’elles –

pur battement


cœur déjà


oui. D’avant tout cœur tout sein

en deux déjà et sang & souffles

pour aller venir dedans dehors

et avant tous les dieux même et

tous les humains et autres tribus é/

lues qui vont par deux –

ça qui a toujours déjà commencé d’é/

clore / déclore

………………..

vide cet élan au creux du vide

qui le creuse et l’ouvre

espace

écarte

envoie –

tout ce qu’il y a : qui l’appelle

dehors ensemble séparé


détails des fresques de Giotto dans la basilique supérieure d'Assise filmé par Tacita Dean à l'aide d'un objectif macro, en l’ouvre Buon Fresco, 2014 ; Crédit image : Mackbooks.eu

cœur / qalb / lev


k h ô r a oui : nom du rien dit derrida

……………………………………………..

d’avant tout nom et toute voix

pour appeler un quelconque

autre avec toi dans le désert –

ça qui les a toujours déjà fait sourdre et dis/

séminés

………..

corps à corps oui accords et âmes éc/

hos et langues lettres livres lois et/

cetera et tout ce qu’il y aura

eu : origine et fin sans fin qui

reste à venir –

comme si le rien à la place du nom

était lui-même toute la loi

=

révélée à même chaque é/

toile

peau

grain chaque

fois unique de poussière –

ça qui nous fait place et

lie à tout ce qu’il y a et

passe / nous / affrontés

l’un à l’autre mêmement

nus sans recours tuables et in/

tuables et ainsi seulement

égaux et ainsi seulement hu/

mains pour de vrai

=

tenus de sans fin devenir l’entre/

deux que nous sommes


cœur / qalb lev


de part et d’autre du même cos/

mos à mots et lumières deux

langues de l’infini babel à yeux

mains bras seins souffles lèvres

et voix & voies etc. bref deux aller

vers –

un quelconque autre dans la nuit

à qui dire viens

ô

tu

=

avec qui faire a b r i

=

o a s i s entre deux


mers de sable mers de sang


ô toi de qui ou quoi es-tu la main

quand tu tues – de quel cadavre

déjà quel double à même ta chair

qui l’aura toujours déjà ouverte et

hantée quelle mère-à-mort quelle u r/

m u t t e r de toutes les terreurs ?

ton cœur appartient-il déjà à la mort

tes mots ton âme

que tu ne puisses plus que tuer ?


tod – angst – tod – hass


si peu nous lie


détails des fresques de Giotto dans la basilique supérieure d'Assise filmé par Tacita Dean à l'aide d'un objectif macro, en l’ouvre Buon Fresco, 2014 ; Crédit image : Mackbooks.eu

tod – c’est ça qui t’horrifie que tu rêves d’ex/

tirper de toi ex/

terminer chaque fois que tu l’enfonces

dans un autre de toi comme si c’était lui

le porteur de mort ?


ô cœur qui hais ton propre battement

ne sens-tu plus rien déjà ni cris ni dé/

chirure que tu ne veuilles plus que re/

joindre l’abîme ?

le temps les deux lèvres de la plaie d’ori/

gine – les reclore à jamais ?

…………………………………

ne reconnais-tu plus même ton visage sans

visage déjà dans les yeux de chaque autre qui

meurt qui te regarde le tuer ?


poussière qui est là, ouverte pour la rencontre heureuse

écrit nelly s

.……………..

poussée de vie poussée de mort et l’in/

finie poussière des corps ainsi grands

ouverts pour l’ici et l’au-delà le désir

et la peur et l’ex/

trême joie extrême douleur


c’est là depuis le commencement


c’est le 7 octobre 2023

que c’est devenu visible par tous là/

bas de nouveau entre la faille de la mer

morte au nord de la grande faille afri/

caine et la mer rouge et la médi/

terranée qui borde l’ex-terre

promise aux peuples à dieu

chaque fois unique-et-tout/

puissant-souffleur du livre

des vies et des morts c’est

là soudain que la chose sans

nom ni o ni a même pas a re/

surgi du n é/

a n t f a c e à n o u s et tout dé/

figuré –

ô même toi

……………………..

peuples de la terre

ô que nul ne pense mort quand il dit vie –

et nul ne pense sang quand il prononce berceau


si peu nous lie et si infiniment

fragile ce peu si in/

finiment spacieux

=

divin si tu veux mais sans dieu –

ce vide à la place qui laisse

place à tout ce qu’il y a et fait

tout aller d’un corps à l’autre

se toucher seulement = s’adorer

un temps c’est ça le divin pour nous

pour peu que nous ne voulions plus être ni

dieu ni animal mais cela même qui n’est rien

d’autre que la promesse sans fin

renouvelée de nous tenir ensemble

sur leur seuil –

nous confier à nous seuls la garde de l’in/

franchissable –

devenir l’animal prometteur

=

l’inouï cœur que nous sommes –

liés l’un à l’autre par le seul

courage de la parole donnée


ô toi qui tues l’autre de toi qui te fait

face = humain = semblablement

nu dans ses yeux ne vois-tu pas

que c’est ta propre semblance

humaine chaque fois qui meurt ?

……………………………………….

et que c’est sans fin : que le mort le corps

mort qui te tourne le dos, se fout de ta loi,

va être aussitôt plus fort que toi dit robert

antelme dans L’espèce humaine ?


détails des fresques de Giotto dans la basilique supérieure d'Assise filmé par Tacita Dean à l'aide d'un objectif macro, en l’ouvre Buon Fresco, 2014 ; Crédit image : Mackbooks.eu

tu peux tuer jusqu’au dernier tu ne peux pas

faire que tous les autres que toi humains et

pas et vivants et morts déjà mots animaux

tous les animaux de l’arche et des grottes

avant et ceux des constellations des autels

des palais des temples et autres abattoirs et/

cetera et jusqu’au moindre atome d’âme & corps

ou moins encore ne continuent dans toi d’aller/

venir encore et encore simples traces échos d’éc/

hos seulement te tra/

verser jusqu’à la fin se laisser

avec et sans toi porter em/

porter


cœur / qalb / lev


c’est sur cette limite, en ce lieu d’épuisement,

qu’il faut commencer, recommencer par dire nous.

C’est là que le nous parle, de cœur à cœur,

la raison du cœur, sa raison politique

…………………………………….

c’est lui qui doit inspirer la loi

ici-maintenant dit derrida

dans un texte lu en 2002 à Ramallah.


et nelly sachs rappelle-toi :

poussière qui est là, ouverte pour la rencontre heureuse

…………………………………………….

poussière qui laisse monter son être,

être qui se mêle à la parole

des anges et des amants –

et peut-être déjà aide un soleil obscur

à s’allumer de nouveau –

car tout va mourant également :

étoile et pommier

et après minuit

seuls parlent frères et sœurs


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